Rencontre avec Dominique Bluzet, le fondateur des Théâtres

Alors que la nouvelle saison des Théâtres bat son plein, nous avons le plaisir de vous annoncer notre partenariat avec cet acteur culturel majeur du territoire. Aujourd'hui, celui qui a imaginé les Théâtres, nous reçoit à Marseille sur la scène du Gymnase alors fermée pour travaux. Rencontre avec Dominique Bluzet – un homme passionné, marseillais d'adoption qui a compris bien avant tout le monde les joies que pouvait offrir notre territoire.

Alors que la nouvelle saison des Théâtres bat son plein, nous avons le plaisir de vous annoncer notre partenariat avec cet acteur culturel majeur du territoire. Les Théâtres, c’est la réunion de quatre établissements incontournables à Aix et Marseille : le Théâtre du Gymnase, le Jeu de Paume, le Grand Théâtre de Provence et les Bernardines. Quatre scènes qui embrassent toutes les disciplines du spectacle vivant : la danse, le théâtre, la musique, le cirque. Et une association née de la volonté d’un homme de théâtre et d’opéra – Dominique Bluzet – qui s’est vu confier les clés du Gymnase en 1993, puis la réhabilitation du théâtre du Jeu de Paume à Aix-en-Provence en 1996. En 2007, il prend la direction du Grand Théâtre de Provence, puis le Festival de Pâques en 2013, et ensuite le Théâtre des Bernardines à Marseille en 2015.

Aujourd’hui, celui qui a imaginé les Théâtres, nous reçoit à Marseille sur la scène du Gymnase alors fermée pour travaux. Ce trésor architectural à l’italienne, construit en plein cœur de la Canebière, va être remis en état pour accueillir à nouveau du public. D’ici-là, la programmation du Gymnase voyage dans différents lieux marseillais. Une itinérance qui prouve une fois de plus l’enthousiasme débordant de Dominique Bluzet et sa faculté à créer des ponts entre les disciplines et les publics.

Rencontre avec un homme passionné, marseillais d’adoption qui a compris bien avant tout le monde les joies que pouvait offrir notre territoire.

– Vous avez un souvenir marquant lié à votre arrivée à Marseille ?

J’avais un parcours ponctué de pleins de choses formidables – j’ai été un enfant gâté de la culture. J’ai été jeune directeur de théâtre en France, un des plus jeunes metteurs en scène d’opéra, je tournais un film avec Claude Berri, tout le monde me disait : « tu vas avoir un César ». Et puis, je me suis dit que si je restais à Paris je deviendrai une sorte de singe savant. Parce que quand vous réussissez jeune, vous avez tendance à reproduire ce qui s’est passé par peur de sortir de votre zone de confort. J’ai voulu partir dans une ville où je ne connaissais personne, renverser tout ce qui était sur la table et repartir de zéro. C’est ce que j’ai fait en arrivant ici. Je ne connaissais absolument pas Marseille. Et le soir où je suis arrivé, je me suis fait braquer sur le Vieux Port. Ça restera un bon souvenir ! J’étais assis à la terrasse d’un café et je regardais les gens passer. Un mec s’arrête et me dit : tu veux ma photo ? J’étais un peu surpris : moi parisien, ma sœur travaillait au PSG en plus ! J’étais vraiment pas dans les codes. Puis, il prend mon verre de Perrier et me le balance au visage. J’avais laissé un billet de 200 francs et mes cigarettes sur la table. Il les a pris en me disant : « c’est pour le dérangement ». Après ça, je me suis demandé si je devais rester ici ou filer à Paris à toute vitesse. Finalement, je suis resté et ça a été cette relation à cette ville. Une aventure qui structure une vie. Il y a eu Marseille, Aix-en-Provence, les Théâtres. À trente ans, c’était exaltant d’être sur ce territoire, ça l’est toujours d’ailleurs. C’est exaltant de se dire : je suis sur un territoire hors norme. Pour moi, Aix-Marseille c’est la cité du bonheur. Vous avez des choses tellement différentes, tellement complémentaires. Un public tellement formidable.

– Quelle relation avez-vous avec le public ? Est-il si différent en fonction des lieux que vous dirigez ?

Oui, et en fonction des typologies de spectacle. J’ai voulu une aventure qui regroupe tous les champs du spectacle vivant. Le théâtre, la musique, la danse, le cirque, etc. Toutes les formes. Avec tout ce qu’on a vécu depuis quelques années, nos métiers ont dû changer. Bien sûr, il faut remplir les salles, mais il y a des tas de gens qui ne vont pas au théâtre alors comment aller vers eux ? Avec l’opération « Aller Vers », on invente des petits objets pour aller vers les gens, dans les églises, les écoles, sur les places de village. On est des transmetteurs de culture. Et puis, il y a cette fondation de l’Assami destinée aux publics empêchés. Pour moi, c’est un devoir vis-à-vis d’un territoire qui m’a donné énormément de bonheur. Alors comment partage-t-on ce bonheur, comment faire passer le collectif avant l’individuel, comment dire qu’il y a un service public de la culture et mettre une forte dose d’empathie dans l’acte culturel ? L’acte culturel ne peut pas être la seule finalité. Il faut trouver les biais pour que les gens aient le sentiment qu’il y a de notre part le désir de les intégrer dans une sorte de famille culturelle. On n’est pas seulement un réceptacle de public payant assis dans une salle. Aux Théâtres, on essaie d’avoir cette vision globale de notre rapport à la société.

Le théâtre du Gymnase Marseille
Le théâtre du Gymnase actuellement en travaux, 2022 ©Clara Sfadj / Les Marseillaises

– Le théâtre du Gymnase est actuellement en travaux, ça consiste en quoi ?

Oh ça consiste en beaucoup d’emmerdes ! Le Théâtre du Gymnase est un théâtre à l’italienne. C’était des théâtres construits par des charpentiers de marine dont la particularité est une forme arrondie pour favoriser la circulation du son. En 1985, le théâtre a été reconstruit. On a mis une grande poutre métallique en forme de u qui ceinture la salle et sur laquelle on a posé des poutres transversales pour construire tous les étages. Cette poutre s’est désolidarisée des murs maîtres. Ça aurait pu tenir 20 ans, mais ça risquait aussi de s’écrouler. On est à Marseille, à 300 mètres de la rue Mazagran. Évidemment, on ne va pas occulter ça sous prétexte que ça nous fout dans une sérieuse panade. On accepte l’idée qu’on ne peut plus jouer ici et qu’il faut le reconstruire. Sauf que ça se passe en 2020, au moment des élections, et que les différents candidats n’ont pas prévu de reconstruire le Gymnase. Et ça coute beaucoup de sous. Donc on ferme le théâtre et si tout se passe bien, il nous faudra 5 ans pour le rouvrir. En ce moment, on est dans une phase d’étude, on a vu les premières maquettes de ce que ça pourrait être demain. Ça va être formidable ! En attendant, il faut garder notre identité tout en allant ailleurs. Nous avons sollicité d’autres lieux culturels de la ville pour accueillir notre programmation.

– Vos spectacles sont programmés à La Criée, à l’Odéon ou à l’Opéra de Marseille. Comment avez-vous organisé cette programmation hors les murs ?

À l’Odéon ou à l’Opéra, on a voulu proposer des formes pour le grand public parce que ça correspond à l’histoire de ces lieux. Au Théâtre de la Joliette et à la Criée, on s’est demandé quelle part de théâtre public insérer dans la programmation. À la Friche, on a cherché des choses complètement décalées. Puis, on a aussi les autres lieux des Théâtres dont les Bernardines qui peuvent accueillir la programmation que nous aurions présentée au Gymnase. Ce coté protéiforme, qui est l’identité des Théâtres, nous aide à continuer. 

– Quels sont les temps forts de la saison 2022-2023 ?

La danse m’a semblé être un moment important. Bien sûr, au Grand théâtre à Aix-en-Provence mais aussi à l’Opéra de Marseille avec Philippe Découflé en avril 2023. Après avoir accueilli l’Opéra de Paris, Angelin Prejlocaj et (La) Horde / Ballet National de Marseille ces dernières semaines, c’était important de recevoir aussi Philippe Découfflé – un des plus grands chorégraphes français. Il y avait aussi ce désir de recevoir des acteurs populaires connus. Parce que ça m’a toujours énervé de rencontrer des tas de gens à Marseille me dire : « quand je vais à Paris, je vais au théâtre ». Je ne voulais pas valider cette idée que théâtre = Paris. En 2022, on a créé C’est ma tournée, je vous offre un vers dans les cafés avec Nicole Ferroni. Et maintenant, elle est en train d’en faire un spectacle qu’elle jouera aux Bernardines. On accueille aussi La douleur de Marguerite Duras avec Dominique Blanc qui est une immense actrice. On aura toute une programmation sur le cirque à la Criée, au Grand Théâtre, au Jeu de Paume. À côté de ces grandes lignes directrices, j’ai aussi voulu faire un hommage à une génération de femmes metteurs en scène qui ont moins de 40 ans comme Louise Vigneaud et Maëlle Poésy. Elles ont une manière de raconter les histoires qui m’a interpellé, avec une approche singulière par rapport à ce que pouvait être le théâtre auparavant.
Il y aussi des spectacles pour le jeune public. Le programme est un peu comme le catalogue d’une agence de voyage imaginaire qui vous amène dans plein de destinations différentes où vous pourrez rire, pleurer, aimer, voir de la danse classique, contemporaine, du cirque… J’ai envie d’insuffler de la joie. Pour citer Camus : « il n’y a pas de honte à préférer le bonheur ». Le bonheur passe par des grandes émotions mais aussi par le rire, par des trucs invraisemblables, par ce qui peut nous surprendre et nous faire sortir de notre coquille quotidienne. C’est une année d’émotion partagée, je crois que c’est ça notre aventure.

 


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